Tourisme Charlevoix

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8 octobre 2020Félicia Corbeil-L'abbé

La forêt boréale dans votre assiette

Ledum groenlandicum, alnus crispa, melilotus albus, gaultheria procumbens…  Bien que le latin soit une langue morte, il n’en est rien de ces plantes qui poussent bien vigoureusement dans nos forêts et qui se retrouvent de plus en plus dans nos assiettes. Encore une mode? Détrompez-vous, ces épices dites « boréales » font la fierté de nombreux chefs de renom, dans Charlevoix et bien au-delà! Elles sont la richesse de notre terroir forestier, qui donne généreusement de quoi faire baver d’envie tout épicurien.

À l’ère des grands voyages exploratoires du premier millénaire, les épices étaient considérées comme un luxe que seuls les plus fortunés pouvaient s’offrir. Parmi les plus précieuses se trouvait le fruit d’une plante tropicale: le poivre, qui est devenu un indispensable des garde mangers actuels. Heureusement nous ne sommes plus obligés de traverser l’équateur pour en obtenir, il suffit d’aller à l’épicerie… ou d’en faire la cueillette* ici, dans la luxuriante forêt charlevoisienne!

Notes poivrées – Aulne crispé et Myrique baumier

L’aulne crispé est un arbuste en apparence banal qu’on retrouve un peu partout au Québec. Pourtant, c’est lui qui nous donne le fameux poivre des dunes. Ça vous dit quelque chose, n’est ce pas? Ce sont ses fruits, aussi appelés « chatons », qu’on récolte juste avant les premières neiges. On les déshydrate, puis on profite de leurs arômes bien poivrés, bien que botaniquement cette épice ne fasse pas partie de la famille des poivres (Piperacea).

Le myrique baumier, aussi appelé bois-sent-bon, est un arbuste qui pousse en milieux humides. Son fruit, que l’on déshydrate aussi avant utilisation, donne un goût légèrement amer, poivré, de muscade. Émile Tremblay et Sylvain Dervieux, chefs co-propriétaires au restaurant Faux Bergers à Baie-Saint-Paul, aiment bien en parfumer leurs saumures, pour en dévoiler les complexes arômes. Le poivre des dunes et le myrique baumier ne sont que deux des nombreuses épices boréales et produits forestiers non-ligneux (PFNL) utilisés et parfois cueillis par ces jeunes chefs.

Un nuage de lait dans votre eau chaude? – Thé des bois et Petit thé des bois

Une promenade en forêt est le parfait contexte pour reconnaître aisément ces plantes arbustives! Quand on s’attarde à ce qui se trouve tout près de nos pieds, on remarque tout de suite les petites baies rouge vif, surmontant de luisantes feuilles vert et rouge foncé. Tout comme celles de son cousin le bleuet, les feuilles du thé des bois prennent d’intenses nuances pourpres et restent parfois accrochées au plant tout l’hiver. Avez-vous déjà senti l’odeur mentholée d’une feuille de thé des bois? C’est la parfaite symbiose entre la menthe et la vanille! On voit souvent les feuilles de ces Gaultheria en tisane, mais il faut savoir qu’elles font des merveilles en infusions culinaires, que ce soit pour en faire de la gelée ou l’intégrer à certains desserts.

Saveurs punchées – Sumac vinaigrier et Livèche écossaise

À court de citron? Qu’à cela ne tienne, le sumac sauvera les meubles! Il s’agit en effet d’une surprenante alternative locale lorsqu’on a besoin de vinaigrer ou citronner un plat. Le sumac vinaigrier est en fait un arbre indigène, malgré ses apparences exotiques. Ses longues feuilles aux allures de palmier et ses fleurs en panicules denses semblent venir tout droit d’un autre climat. Et pourtant! Demandez à l’un de vos aînés s’il a déjà goûté à la « limonade du pays » (ou sumacade). Souvenirs rafraîchissants garantis! Toutefois, pour atteindre les jolies baies acidulées, le processus est méticuleux. Les fruits sont densément entassés et forment des « cocottes ». Après la cueillette, il faut débarrasser les baies de leur duvet et voilà, elles sont prêtes à « relever » tous les défis!

Avec son goût très prononcé de persil et ses feuilles qui s’y apparentent, la livèche écossaise figure au rang des premiers aromates utilisés par les navigateurs européens partis à la découverte du Nouveau-Monde. À l’époque, cette plante était surnommée persil de mer. Un hameau charlevoisien a même été nommé en raison de son abondance: Port-au-Persil. La livèche écossaise (à ne pas confondre avec la livèche officinale) remplace volontiers le céleri et/ou le persil dans tout bouillon, soupe, sauce, assaisonnement, quand on l’utilise avec parcimonie. C’est d’ailleurs ce que font les artisans brasseurs et distilleurs chez Menaud, dans la production de la Persil, une bière houblonnée au persil de mer, qu’ils récoltent à la main, à l’Isle-aux-Coudres.

Friandises sauvages – Catherinettes et Amélanches

Toutes les raisons sont bonnes pour s’exclamer haut et fort quand on trouve des baies comestibles lors de nos balades en plein air! Si les framboises et les bleuets sont des valeurs sûres, il en est tout autant pour plusieurs autres baies sauvages, moins connues mais également délicieuses. Les catherinettes ressemblent à s’y méprendre à des framboises par la forme et la couleur, à la différence qu’elles poussent au sol et non en hauteur. À consommer jalousement dès le mois de juillet! Quant aux amélanches, qui passent souvent inaperçu, ce sont les fruits de l’amélanchier, un grand arbuste présent d’un océan à l’autre au Canada. Ces baies sont particulièrement appréciées dans les provinces de l’ouest, comme le témoigne leur appellation anglophone: Saskatoon berries. D’un violet presque noir à maturité et bourrées d’antioxydants comme les bleuets, les amélanches ont un goût un peu âcre mais très sucré. En général, on en fait des tartes, des confitures, des gelées et des sirops. La Cidrerie des Vergers Pedneault en font une crème décadente qui redéfinit le mot « dessert », à essayer!

*Si la récolte des trésors de nos forêts vous intéresse, prenez bonne note de ces précieux conseils:

  • Se munir d’un guide d’identification et savoir comment l’utiliser
  • Suivre une formation spécifique est préférable et très enrichissant
  • Vérifier que la récolte soit permise sur le territoire choisi
  • Laisser plusieurs spécimens sur place, pour s’assurer d’avoir une récolte l’année suivante.

La forêt est généreuse, alors permettons-lui de nous surprendre encore!

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